mercredi 31 décembre 2008

31

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"Qu'est-ce que je vais faire ? pensa-t-il, l'esprit engourdi. Je n'ai guère faim, je ne suis pas mal ici, il n'y a personne." Il se fit dans son esprit un blanc presque parfait de quelques secondes. Un nuage passait devant le soleil, à sa droite les branchettes de la haie se tenaient immobiles dans l'air soudain gris, par-dessus leur crête un panneau de basket-ball hissait tout seul, très haut sur deux jambages de métal, une réclame jaune et rouge pour l'essence Shell. Un instant il regarda sans se réveiller encore sa main qui se posait sur la clé de contact ; le moteur ronronna, une vie sourde et urgente anima soudain la voiture, et il comprit que le point d'orgue mystérieux qui venait se poser sans règle au milieu de ses journées était derrière lui : il roulait.

Julien Gracq, La Presqu'île
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fin de l'année blanche

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